Agriculture céréalière et sols vivants : comment régénérer ses parcelles sans perdre en rendement

Image pour agriculture cerealiere sols vivants
Image pour agriculture cerealiere sols vivants

Agriculture de conservation, réduction du travail du sol, couverts végétaux permanents, allongement des rotations… Ces termes sont désormais omniprésents dans le monde de la grande culture. Pour les céréaliers, la question centrale est souvent la même : comment régénérer ses sols, préserver leur fertilité à long terme, tout en sécurisant les rendements et l’équilibre économique de l’exploitation ? Cette transformation ne repose pas uniquement sur des choix techniques, mais aussi sur une montée en compétences via des formations adaptées, continues ou diplômantes.

Pourquoi les sols vivants deviennent un enjeu stratégique en agriculture céréalière

Des sols épuisés par des décennies d’intensification

En France, de nombreuses régions de grande culture ont connu, depuis les années 1960, une intensification forte : labour profond, simplification des rotations, spécialisation céréalière, usage important d’intrants. Ce modèle a permis d’augmenter les rendements, mais il a aussi entraîné :

  • une baisse progressive de la teneur en matière organique,
  • une diminution de la vie biologique (vers de terre, micro-organismes),
  • une structure de sol plus fragile, sujette au tassement et à l’érosion,
  • une dépendance accrue aux engrais de synthèse et aux produits phytosanitaires.

Pour les jeunes qui s’installent comme pour les agriculteurs déjà en place, la question n’est plus seulement de produire beaucoup, mais de produire durablement, sur des sols capables de rester productifs dans 20, 30 ou 40 ans.

Le concept de « sols vivants » : une vision agronomique globale

Parler de « sols vivants » revient à considérer le sol comme un écosystème complexe, et non comme un simple support physique. Un sol vivant se caractérise par :

  • une forte activité biologique (bactéries, champignons, faune du sol),
  • une bonne structure, aérée, avec des agrégats stables,
  • une capacité à infiltrer et stocker l’eau,
  • une réserve de nutriments progressivement libérés pour les cultures,
  • une résilience face aux aléas climatiques (pluies intenses, sécheresses).

Dans un contexte de changement climatique, ces caractéristiques deviennent essentielles pour maintenir des rendements céréaliers réguliers. De plus en plus de références techniques montrent qu’un sol bien structuré, riche en matière organique, limite les à-coups de production d’une année à l’autre.

Un enjeu de compétences pour les agriculteurs et techniciens

Préserver ou restaurer des sols vivants ne se résume pas à changer un seul paramètre (passer en semis direct, par exemple). Il s’agit de repenser l’ensemble du système de culture : dates et modes de travail du sol, choix des espèces et des variétés, stratégie de fertilisation, couverture permanente du sol, gestion des résidus…

Cela demande une solide base agronomique et des compétences régulièrement mises à jour. C’est précisément là que les formations initiales et continues jouent un rôle déterminant : BPREA, BTS, licences professionnelles, certifications courtes spécialisées, formations techniques pour adultes, modules à distance, etc.

Les pratiques clés pour régénérer les sols en grandes cultures céréalières

Réduire le travail du sol sans compromettre la productivité

La réduction, voire la suppression du labour, est souvent présentée comme un levier central pour favoriser les sols vivants. En agriculture céréalière, plusieurs systèmes coexistent :

  • TCS (Techniques culturales simplifiées) : limitation du travail profond, déchaumage superficiel, outils à dents ou à disques. Avantages : gain de temps, limitation de l’érosion, meilleure portance ; limites : gestion des adventices parfois plus complexe.
  • Semis direct sous couverture : pas de travail du sol avant semis, utilisation de semoirs spécifiques, présence quasi permanente de résidus ou couverts. Avantages : protection maximale du sol ; exigences : niveau technique élevé, maîtrise fine des rotations et des couverts.

Les agriculteurs qui s’orientent vers ces systèmes s’appuient de plus en plus sur des formations techniques dédiées : modules « agriculture de conservation », stages en exploitations de référence, ou encore certifications proposées par des écoles d’ingénieurs agronomes ou des organismes de développement agricole.

Les couverts végétaux, pilier de la fertilité biologique

En grande culture céréalière, laisser le sol nu entre deux campagnes est de plus en plus perçu comme une perte potentielle : perte d’azote par lessivage, érosion, tassement, baisse d’activité biologique. Les couverts végétaux permettent de :

  • protéger la surface du sol des pluies battantes et du soleil,
  • piéger l’azote résiduel et certains éléments nutritifs,
  • favoriser une structure grumeleuse par l’action des racines,
  • alimenter la vie microbienne en restituant de la biomasse,
  • limiter le développement de certaines adventices.

Pour être efficaces, les couverts doivent être pensés en fonction :

  • du climat (dates de semis, espèces gélives ou non),
  • du type de sol (argileux, limoneux, sableux),
  • de la culture suivante (risque de faim d’azote, compétition hydrique),
  • des objectifs agronomiques (structurer le sol, produire de l’azote, nourrir les auxiliaires).

De nombreuses formations professionnelles courtes proposent désormais des modules spécifiquement consacrés au choix et à la gestion des couverts : diagnostic de sol, conception de mélanges multi-espèces, utilisation d’outils de simulation. Ces formations s’adressent aussi bien aux agriculteurs en activité qu’aux conseillers, responsables de coopératives ou salariés agricoles.

Allonger les rotations et diversifier les cultures

La simplification des assolements (blé – colza – orge, par exemple) a longtemps été une réalité dans de nombreuses régions de grandes cultures. Pour restaurer les sols vivants, l’allongement des rotations est un autre levier fort :

  • introduire des légumineuses (pois, féverole, luzerne) pour enrichir le sol en azote,
  • intégrer des cultures de printemps pour casser les cycles de maladies et d’adventices,
  • introduire des cultures fourragères ou à vocation énergétique (méthanisation) pour diversifier les débouchés et les effets agronomiques.

Cette diversification exige de nouvelles compétences : connaissance de filières parfois moins connues, maîtrise de nouvelles itinéraires techniques, adaptation du matériel. Les formations en agronomie et en gestion d’exploitation intègrent désormais des modules spécifiques sur ces stratégies de rotation, y compris dans les cursus de formation initiale post-bac.

Adapter la fertilisation et la protection des cultures

Un sol vivant rend progressivement disponible une partie des nutriments, grâce à la minéralisation de la matière organique et à l’activité microbienne. Pour ne pas perdre en rendement, il est nécessaire de :

  • mettre en place un suivi régulier (analyses de sol, observations de structure, profil cultural),
  • adapter les doses d’engrais en tenant compte de la contribution du sol,
  • raisonner la protection phytosanitaire avec une approche préventive (choix variétal, date de semis, biodiversité fonctionnelle),
  • maîtriser les leviers non chimiques (faux-semis, désherbage mécanique, couverture du sol).

Des formations spécifiques en « agriculture durable », « agronomie de la fertilisation » ou « protection intégrée des cultures » permettent de monter en compétence sur ces sujets, souvent à travers des études de cas et des visites d’exploitations pionnières.

Maintenir les rendements tout en régénérant les sols : approche économique et gestion de projet

Phase de transition : accepter une période d’ajustement

Passer d’un système conventionnel intensif à un système basé sur les sols vivants ne se fait pas en un an. Il existe généralement une phase de transition de quelques campagnes, durant laquelle :

  • les rendements peuvent être plus variables d’un hiver ou d’un été à l’autre,
  • le parc matériel doit être adapté (semoir, outils de travail superficiel, matériel de désherbage mécanique),
  • l’agriculteur doit tester, observer, ajuster les itinéraires techniques.

Pour ne pas mettre en péril l’équilibre financier de l’exploitation, cette transition doit être gérée comme un projet : planification pluriannuelle, simulations économiques, recherche de financements (aides à la transition agroécologique, dispositifs régionaux, appels à projets).

Compétences en gestion de risques et en pilotage économique

Les formations en gestion d’exploitation et en économie agricole apportent des outils concrets :

  • élaboration de plans d’investissement pour le matériel adapté aux systèmes de cultures régénératifs,
  • analyse de la marge brute et de l’EBE en intégrant les économies d’intrants et de carburant,
  • gestion du risque climatique et du risque de marché (assurances récolte, contrats de vente, diversification des débouchés),
  • suivi des indicateurs technico-économiques (rendements, IFT, charges opérationnelles par hectare).

Ces compétences sont abordées dans de nombreux cursus : BTS ACSE, licences ou masters en économie agricole, mais aussi à travers des modules de formation continue pour exploitants en reconversion vers des systèmes plus agroécologiques.

Capitaliser sur les références techniques et les retours d’expérience

Pour continuer à sécuriser ses rendements, il est essentiel de s’appuyer sur :

  • les réseaux d’agriculteurs engagés en agriculture de conservation,
  • les expérimentations menées par les chambres d’agriculture, les instituts techniques, les lycées agricoles,
  • les résultats de projets de recherche appliquée sur la fertilité des sols, la gestion des couverts, ou la réduction des phytosanitaires.

De nombreux organismes de formation intègrent désormais des visites de fermes pilotes et des projets tuteurés de type « diagnostic de sol » ou « mise en place d’une rotation diversifiée » dans leurs programmes. Pour un salarié ou un adulte en reconversion, ces mises en situation facilitent l’appropriation concrète des concepts de sols vivants.

Quelles formations pour se spécialiser en agriculture céréalière et sols vivants ?

Formations initiales pour lycéens et étudiants

Pour les jeunes qui souhaitent s’orienter vers la grande culture et l’agronomie des sols, plusieurs parcours sont possibles :

  • BAC Pro agricole (Conduite et gestion de l’exploitation agricole, option grandes cultures) : premières compétences en conduite de cultures, travail du sol, fertilisation, avec une sensibilisation croissante aux enjeux environnementaux.
  • BTS Agricoles :
    • BTS ACSE (Analyse, Conduite et Stratégie de l’Entreprise Agricole) : vision globale de l’exploitation, gestion économique, introduction à l’agroécologie, diagnostic de systèmes de culture.
    • BTS Agronomie & Cultures Durables (ACD) : centré sur l’agronomie, la conduite des cultures, l’innovation en matière de systèmes de culture respectueux des sols.
  • Licences professionnelles et bachelors orientés « systèmes agricoles durables », « agrosystèmes et environnement », avec des spécialisations possibles en grandes cultures ou en agroécologie.
  • Écoles d’ingénieurs agronomes : pour ceux qui souhaitent travailler comme conseillers, ingénieurs de recherche, responsables de projets en transition agroécologique, avec des options « grandes cultures », « systèmes de production », ou « gestion des ressources naturelles ».

Ces parcours permettent d’acquérir des bases solides en agronomie, en analyse de sol, en systèmes de culture et en gestion de l’exploitation, indispensables pour accompagner la mise en place de pratiques de régénération des sols sans sacrifier la productivité.

Formations professionnelles continues pour agriculteurs et salariés

Pour les agriculteurs en activité, les techniciens de coopératives, les salariés d’exploitation ou les adultes en reconversion, l’enjeu est souvent de se former sans interrompre complètement leur activité. Les solutions les plus courantes sont :

  • Stages courts (1 à 5 jours) :
    • agriculture de conservation des sols,
    • conception de rotations diversifiées,
    • mise en place et gestion de couverts végétaux,
    • diagnostic de sol en profil cultural et interprétation des analyses.
  • Certificats de spécialisation (CS) :
    • CS liés à l’agronomie, à la conduite d’une exploitation en agriculture durable ou en agroécologie,
    • parcours spécifiques sur la transition des systèmes de grandes cultures.
  • Formation à distance (FOAD, e-learning) :
    • modules en ligne sur la biologie des sols, la fertilisation raisonnée, la gestion intégrée des adventices,
    • classes virtuelles, webinaires, forums d’échanges entre participants.

Ces dispositifs permettent de combiner mise à jour des connaissances et maintien de l’activité professionnelle, avec souvent des accompagnements personnalisés (diagnostics sur exploitation, suivi d’indicateurs, plans d’action).

Reconversion professionnelle vers les métiers de l’agronomie et du conseil

De plus en plus d’adultes cherchent à se reconvertir vers des métiers liés à l’agriculture durable, à l’agronomie des sols et au conseil auprès des exploitations. Plusieurs parcours existent :

  • BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole) : adapté à un projet d’installation en grandes cultures, souvent complété par des modules spécialisés sur l’agriculture de conservation.
  • Licences professionnelles en agronomie, développement agricole ou conseil : pour ceux qui envisagent des postes de techniciens, chargés de mission, conseillers en agroécologie.
  • Mastères spécialisés ou formations longues axés sur la transition agroécologique, la gestion durable des sols, les systèmes de production innovants.

Ces formations combinent généralement enseignements théoriques, études de cas, visites d’exploitations innovantes et projets tutorés en lien avec de vraies exploitations de grande culture.

Ressources en ligne et orientation pour choisir sa formation

Pour les étudiants, les adultes en reconversion ou les agriculteurs en quête de perfectionnement, il est parfois difficile de s’y retrouver dans l’offre de formations disponibles. Les portails spécialisés dans l’orientation et la formation agricole jouent alors un rôle de repère précieux, en présentant :

  • les différentes filières d’études après le bac (BTS, licences, écoles d’ingénieurs),
  • les formations continues courtes ou longues adaptées aux grandes cultures et à l’agroécologie,
  • les établissements habilités (lycées agricoles, CFPPA, écoles d’ingénieurs, universités),
  • des comparatifs de contenus, de débouchés et de modalités (présentiel, alternance, à distance).

Pour une vue d’ensemble des cursus liés aux grandes cultures, aux sols et à l’agronomie, vous pouvez notamment consulter notre dossier dédié à l’orientation en agriculture céréalière et aux formations associées, qui recense les grandes voies d’accès aux métiers de la production céréalière et du conseil agronomique.

Compétences transversales à développer pour réussir la transition vers des sols vivants

Observation de terrain et diagnostic agronomique

Les agriculteurs et techniciens engagés dans la régénération des sols sont avant tout d’excellents observateurs de leur environnement. Les formations modernes insistent sur :

  • la lecture du paysage (zones d’érosion, hydromorphie, hétérogénéité de croissance),
  • la réalisation de profils culturaux réguliers,
  • l’interprétation conjointe des analyses de sol physico-chimiques et biologiques,
  • la mise en place de protocoles de suivi : comptage de vers de terre, mesure d’infiltration, test bêche, etc.

Ces compétences permettent d’ajuster plus finement les itinéraires techniques pour maintenir ou améliorer les rendements tout en poursuivant la régénération du sol.

Innovation, veille et esprit critique

Les pratiques associées aux sols vivants évoluent rapidement. De nouvelles références apparaissent chaque année, portées par la recherche, les instituts techniques, mais aussi par les agriculteurs eux-mêmes. Se former, c’est aussi apprendre à :

  • rechercher et analyser l’information (publications, essais, retours d’expérience),
  • tester à petite échelle avant de généraliser à toute l’exploitation,
  • évaluer l’impact réel des innovations sur les rendements, les charges et la résilience de l’exploitation,
  • prendre du recul sur les effets de mode pour garder une approche rigoureuse et chiffrée.

De nombreux cursus intègrent aujourd’hui des projets expérimentaux, des stages de longue durée et des travaux encadrés pour développer cet esprit critique indispensable à la réussite d’une transition agroécologique en grandes cultures.

Communication, coopération et travail en réseau

Enfin, la régénération des sols en agriculture céréalière ne se joue pas uniquement à l’échelle individuelle. Les échanges entre pairs, les groupes d’agriculteurs, les réseaux locaux ou régionaux sont des leviers puissants pour :

  • partager les réussites et les difficultés,
  • mutualiser certains investissements (matériel de semis direct, outils de désherbage mécanique),
  • monter des projets collectifs (plateformes d’essais, circuits de commercialisation différenciés),
  • renforcer le lien entre agriculteurs, techniciens, chercheurs et établissements de formation.

Les formations modernes intègrent souvent des travaux en groupe, des partenariats avec des réseaux d’agriculteurs innovants et des interventions de professionnels pour préparer les futurs techniciens, conseillers ou chefs d’exploitation à ce travail en réseau.

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